Sous
le règne de Louis XIV le " Menu Peuple" se passionnait surtout pour les
spectacles populaires des danseurs de cordes qui avaient lieu deux fois
par an aux foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent à Paris. Le roi
lui-même, qui n'appréciait que très peu ce genre de représentation, fit
prendre des dispositions pour rehausser le niveau de ces fêtes. C'est
pour cela que d'Argenson, lieutenant général de la police, était
favorable au rétablissement d'une deuxième troupe de comédiens
français. Cela aurait ramené de nouveau les étrangers (la paix étant
revenue) et la clientèle provinciale sur la capitale. Ces fêtes
attiraient toutes les classes sociales ; le "Menu Peuple" et les
"Honnêtes Gens" s'y côtoyaient ; seuls les nobles n'avaient pas le
droit d'y assister. (La Duchesse d'Orléans en
1718, ayant entendu parler du triomphe de la pièce de "la Princesse de
Carizme", désira la voir et demanda à ce qu'elle puisse être
représentée au théâtre du Palais Royal).
Quelques
années plus tôt on avait introduit la musique : soit on parodiait un
opéra, soit on inventait des textes sur des airs connus : les
vaudevilles. L'orchestre jouait les airs et les gens de la troupe
entraînaient les spectateurs à les chanter. Les spectacles de foires
prirent le nom d'Opéra-Comique.
Peu à
peu des compositeurs commencèrent à écrire des nouvelles mélodies pour
être spécifiquement jouées à ces spectacles de Foire. Les deux premiers
furent Le Sage et d'Orneval qui nous laissèrent de nombreux volumes
contenant le texte des pièces, mais aussi les "timbres" utilisés.
À
partir de 1713, Le Sage consacre tout son talent au théâtre de Foire et
nous précise :"Ce théâtre peut surtout être d'un grand secours à la
campagne, où l'on fait souvent succéder aux plaisirs celui de
représenter dans une famille de petites scènes dramatiques".
La
musique même des pièces de théâtre de la Foire et de la Comédie
Italienne peut se classer en trois groupes :
1 - |
Les
airs d'opéras qui nous viennent de la Comédie Italienne donc de :
Lully (Isis, Atys…)
Campra (Fêtes Vénitiennes)
Mouret (Fêtes de Thalie dont "l'air paysan" est une contredanse chantée
qui est restée longtemps en vogue).
Ces airs étaient parodiés, c’est-à-dire que de nouvelles paroles y
étaient adaptées. Jusque vers 1780
la parodie était un véritable principe de l'esthétique musicale.
|
2 - |
Les
vaudevilles tiennent une très grande place dans le répertoire de ce
théâtre de Foire. "Ce sont des chansons, souvent fort anciennes, dont
l'air original, devenu populaire peut être appliqué à d'autres paroles.
Il est parfois appelé "fredon", il porte en tête de son timbre le
premier vers du refrain ou premier couplet par lequel il est d'usage de
le
désigner… Dans la deuxième moitié du XVIIe
siècle le vaudeville, quittant les carrefours, ne tarde pas à se
répandre dans les salons, au même titre que les airs d'opéra." |
3 - |
Les
Airs nouveaux : musique originale qui termine une pièce ou ses
différents actes : soit un chœur final, soit des ensembles coupés de
chorégraphies : musettes, ou branles avant 1730 puis, menuets,
contredanses, rondeaux, tambourins. |
Les
airs nouveaux se mélangent aux airs anciens et des airs que nous
qualifions actuellement de populaires côtoient des extraits de
grandes œuvres musicales.
- |
Exemple :
"l`Endriague de Piron" de 1723 dans lequel nous rencontrons côte à côte
des airs de Jean Philippe Rameau et des vaudevilles comme :
"la bonne
aventure au gué", "Éveillez vous belle endormie", "je ne suis ni roi ni
prince". |
Les
airs anciens (vaudevilles) et la musique originale vont rester côte à
côte dans les mêmes pièces jusqu'en 1750.
Le 8
Août 1733, nous voyons pour la première fois dans "le Temple du goût"
de Romagnesi, Nivault et Mouret des airs accompagnés d'un instrument à
bourdons : la musette.
Un
registre des comptes datant de 1744 mentionne, parmi tous les
instruments utilisés, les musettes et les vielles.
1752-53
:"la querelle des Bouffons" joue un rôle important dans ce milieu
artistique car les Bouffons par leur succès relancèrent cette ancienne
querelle entre la musique
française et la musique italienne :
* |
d'une
part le roi défendant la musique française avec à ses côtés Fréron,
d'Alembert… |
* |
d'autre
part la reine, partisane de la musique italienne soutenue par Grimm,
Diderot, J.-J. Rousseau… |
Et
nous assistons à une influence certaine de la musique italienne dans
les ariettes avec des sujets grivois et pleins de sous-entendus.
La
même année, J.-J. Rousseau se disant "disciple des compositeurs
italiens" écrit "Le premier devin du village". Les airs qui le
composent sont d'un style naïf et galant à côté d'autres populaires
comme "Allons danser sous les ormeaux".
Ces
"timbres" étaient chantonnés par tout le monde, jusqu'à la Cour en
commençant par Louis XV.
Au
niveau littéraire, la principale innovation consistait à prendre les
sujets de la vie courante, à représenter des bourgeois et des paysans
dans leur existence quotidienne.
En
1753, Vadé et Dauvergne créèrent "les Troqueurs", première pièce dans
un goût purement italien.
1758-59
: l'Opéra-comique se sépare de la comédie à vaudevilles et cette
innovation plaît beaucoup aux "gens de goût" qui viennent en grand
nombre assister aux représentations.