Musiques populaires et musiques savantes au XVIIIe siècle
recherche et diffusion

DRAME PASTORAL SUR LA NATIVITÉ PAR LE SIEUR PERRIN


Lors de nos recherches systématiques dans les bibliothèques provençales pour y cataloguer des ouvrages remontant au XVIIIe siècle, nous avons constaté que très peu d’entre les nombreuses éditions et cahiers manuscrits de cette époque-là conservés dans cette région, ont un rapport spécifique avec celle-ci. Très souvent, ce sont des œuvres que l’on rencontre aussi à Paris.
Un ouvrage a pourtant retenu notre attention. Nous l’avons retrouvé dans le centre de documentation du Musée d’Art et d’Histoire de Provence de Grasse en 1990. Le conservateur d’alors M. Georges Vindry nous a signalé que l’un des objectifs de M. François Carnot, fondateur de ce musée, avait été de réunir tout ce qui était en rapport avec la Provence. L’œuvre dont nous allons vous parler est tout à fait conforme à cet objectif : Un drame pastoral sur la naissance de Jésus-Christ en languedocien et en provençal.
Joueuse de vielle à roue
Tambourinaire provençal
Nous nous sommes, comme à notre habitude, employés à le reconstituer en « création scénique » ; moyen le plus sûr pour essayer de lui redonner vie tout en le situant dans son contexte historique. Pour cela, il nous a fallu réunir des chanteurs baroques et comme instrumentistes nous avons fait le choix d’un galoubettiste/tambourinaire provençal  et d'une joueuse de vielle à roue.
Mais cette reconstitution nécessite obligatoirement de notre part une analyse systématique de l’œuvre dans tous les domaines : édition, sujet traité, langue utilisée ainsi que les airs qui ont servi de « timbres » au librettiste. Comme d’habitude nous avons appliqué la méthodologie qui nous a été enseignée par François Lesure lors de ses séminaires de musicologie.
Voici ce que nous en avons tiré à ce jour :
Existe-t-il d’autres exemplaires en France ? Un autre a été mentionné dans le catalogue de la musique imprimée avant 1800, édition Bibliothèque Nationale 1981, à la rubrique Anonymes sous le titre Drame pastoral sur la naissance de Jesus Christ par une suite de Noëls languedociens et provencëaux avec l'Adoration des Mages en françois, le tout parodié sur les airs les plus propres à exprimer le sentiment de chaque Personnage par Mr P****.
Nous avons comparé minutieusement l’exemplaire sur lequel nous travaillons avec ce dernier et nous avons trouvé beaucoup de similitudes mais aussi des différences assez importantes à nos yeux.
Commençons par la page de titre. Comme très souvent à cette époque là le nom de l’auteur n’est pas mentionné dans son intégralité et ce n’est que dans le corps du privilège du roi que son nom exact est inscrit.
C’est le cas ici, Mr P**** sur les pages de titres respectives des deux exemplaires mais seul celui conservé à Grasse a gardé le privilège du Roi et on peut alors y lire le Sieur Perrin.
Autre différence entre les deux exemplaires : celui conservé à la Bibliothèque Nationale de France mentionne un prix de 3lt 12s alors que le prix de celui conservé en Provence n’est que de 2lt. Pourtant la date d’édition est la même : 1741, mais sur la page de titre de Grasse, est notée la mention Seconde Edition. On pourrait donc en déduire que l’exemplaire de Paris devrait être antérieur et celui de Grasse a du être réédité dans les trois années pendant lesquelles le privilège était valable.
Nous avons aussi comparé les noms et adresses des lieux où cet ouvrage était vendu : on y rencontre, pour les deux exemplaires, les éditeurs les plus courants tout au long du XVIIIe siècle :
  • Madame Boivin Mde rue St Honoré à la Règle d’Or
  • Le Sieur Le Clerc rue du Roule à la Croix d’Or
  • Mr Lottin Libraire rue St Jacques à la Vérité
Autre remarque, il semblerait que ce soit la même « taille douce » qui ait servi à l’impression des deux exemplaires car il n’y a aucune différence dans le corps de l’ouvrage si ce n’est que figurent en plus dans celui de Grasse, des noms d’instruments de musique, non mentionnés dans celui de Paris, malgré une mise en page parfaitement identique : Cimbales/Galoubets/et/Tambourins instruments qui de nos jours font allusion à la Provence.
Nos remerciements au musée municipal de l’imprimerie de Nantes pour leurs explications techniques.
Pourtant dans le texte annexe relatant l’intrigue, on trouve dans les deux exemplaires le mot férandoule et deux mélodies s’enchaînent alors pour exécuter cette danse. L’une notée en 2/4 et l’autre en 6/8, deux rythmes différents se suivant pour exécuter une seule danse. Notons que cette juxtaposition de rythmes est encore fréquente dans les pots-pourris de contredanses vers la fin du même siècle.
Café de la Régence, à Paris
Nous avons cherché à savoir qui pouvait être ce Sieur Perrin car ce nom est très répandu, notamment en Provence : sûrement pas Pierre Perrin le poète et librettiste, fondateur de l’Académie Royale de Musique puisque celui-ci vivait au XVIIe siècle. Par contre, nous avons trouvé dans un recueil de la collection Clairambault-Maurepas à l’année 1746 un Sieur Perrin, auteur d’une chanson sur la mort de la Dauphine [Marie-Thérèse d’Espagne] (première épouse du Dauphin, fils de Louis XV) où il est présenté comme provençal, employé dans les vivres et décédé accidentellement au café de la Régence.
Nous supposons donc qu’il vivait alors à Paris ce qui peut expliquer qu’il ait eu l’occasion d’obtenir un privilège du Roi cinq ans plus tôt pour éditer l’œuvre que nous étudions.
L’intrigue est simple. Le thème en est la Nativité ; le drame ne met pas en scène l’ange annonciateur, il débute à l’annonce faite aux bergers qui, tout d’abord, doutent de ce qu’on leur dit. Seul un berger y croit et les incite à se mettre en route ; ils vivent plein de péripéties pendant leur voyage mais finissent par arriver et, la révélation mystique qui changera leur vie, s’accomplit.
L’auteur, comme cela était coutumier, a choisi deux langues : langue d’oc et langue d’oïl pour faire parler ses personnages. Plusieurs patois (terme employé par l’auteur) en langue d’oc pour les bergers et la langue d’oïl pour mettre en scène les Rois Mages.
Afin de déterminer l’appartenance dialectale du texte, nous avons fait appel à Jean-Luc Domenge.
C’est en majorité du provençal bas-rhodanien avec quelques influences marseillaises dans l’écriture. D’autre part, lors du passage où une jeune languedocienne prend la parole, l’auteur a essayé d’employer un dialecte bas-languedocien.
Jean-Luc Domenge , possédant une très bonne connaissance des traditions provençales du XIXe siècle, nous fait remarquer l’intérêt de quelques personnages mis en scène : la vieillarde proche de la mort par son grand âge …Vau ben lëou quitta la vide/car ay cent ans per lou men,/May, vous vesé et soüy ravide… et la jeune fille qui s’exprime en languedocien pour proposer ses services à la Vierge …Soüy vengude per ajuda ;/Yëou sabé fairé une soupette,/Escoubé et sabé coudura/En tout ce qué fau soüy prouprette
Dans la tradition provençale, durant tout le XIXe siècle, des Cévenoles avaient coutume de descendre dans les plaines provençales pour devenir domestiques des familles riches. Remarquons d’autre part, que l’auteur met en scène une troupe de bohémiens, personnages récurrents des pastorales provençales du XIXe siècle incarnant le mal. Ici l’intérêt est double, c’est la première fois qu’ils sont mentionnés et de plus, il s’agit de femmes.
Tout naturellement Jean-Luc Domenge a fait la comparaison de ce drame pastoral avec les « pastorales » restées si vivaces dans la tradition provençale, encore de nos jours.
Une des plus connues en Provence, à notre époque, date des années 1840, c'est-à-dire cent ans plus tard. On la nomme « la pastorale Maurel ». Antoine Maurel, personnage non religieux, comme semble l’être le Sieur Perrin, l’écrit à Marseille. Dans ces deux œuvres, les personnages sont hauts en couleur mais aucun ne prend la vedette ; ils n’ont qu’un seul but : aller visiter le nouveau-né. Pas de réelle intrigue, que des tableaux juxtaposés qui peuvent être supprimés sans porter atteinte au drame proprement dit.
Les pastorales théâtralisées en Provence tirent leur origine de représentations scéniques religieuses qui ont parfois survécu dans le département du Var et celui des Alpes de Haute Provence sous forme de tableaux constituant un pot-pourri de noëls en langue vulgaire, interprétés dans les églises lors de la messe de minuit.
Quand on parle de noëls provençaux, on ne peut s’empêcher de mentionner ceux transcrits dans le manuscrit 4.485 conservé à la bibliothèque d’Avignon appelés « Noëls de Notre-Dame des Doms ». Ils ont été écrits en toute fin du XVIe et début du XVIIe siècle par des personnes en relation étroite avec le Chapitre de Notre-Dame des Doms (chantres, sacristains…). Ce sont des chants sur le thème de la Nativité.
Nous devons aussi mentionner les noëls de Nicolas Saboly qui, dès 1655 commence à écrire des textes de chansons sur le même thème. Comme dans le manuscrit précédent, elles sont juxtaposées les unes aux autres. Elles sont écrites en langue d’oc mais en majorité sur des airs, (souvent des airs de danse), alors en vogue dans tout le Royaume de France comme on le trouve mentionné dans l’introduction du manuscrit des noëls de Saboly.
Le Comtat Venaissin par Stephano Ghebellino (vers 1580)
Médiatheque Ceccano, Avignon
Nous pouvons remarquer que ces écrits se font dans le Comtat Venaissin qui était alors très tourné vers le Royaume de France (avec un certain esprit de concurrence). Ce ne sera qu’en 1791 que le Comtat sera officiellement relié à la Provence.
Quel rapport avec le drame du Sieur Perrin ? Il s’agit du même thème. Certes, nous nous situons un siècle plus tard. Le contexte historique a changé ; aux Foires de Paris, les pièces de théâtre mêlant théâtre, chants et danses ont commencé à être données régulièrement à partir des dernières années du XVIIe siècle. D’autre part, il faut garder en tête que l’emplacement de la Foire de Saint-Laurent appartenait aux Jésuites. Dans leurs écoles, ils avaient d’ailleurs pris l’habitude de faire jouer à leurs élèves des pièces de théâtre qui traitaient des sujets religieux et Nicolas Saboly était un de ces élèves.
Pour revenir au Comtat Venaissin, c’est à Carpentras en 1646 dans le palais épiscopal d’Alessandro Bicchi qu’a été donnée une tragédie lyrique, œuvre du maître de chapelle du cardinal : l’abbé Mailly. La partition étant perdue, nous ne saurons pas si le thème choisi par l’abbé était profane ou religieux et dans quelle langue il l’avait écrite.
Quant aux musiques de cette œuvre, il faut savoir que deux façons de procéder étaient habituelles à l’époque. Soit on demandait une œuvre spéciale à un compositeur comme l’a fait l’abbé Pierre Perrin en 1658 pour écrire une « Pastorale en musique » qui fut donnée pour la première fois à Issy [les Moulineaux] ; le librettiste a alors demandé à l’organiste et compositeur Robert Cambert d’en écrire la musique. Soit on prenait comme support musical des timbres, c'est-à-dire des mélodies plus ou moins populaires du moins très connues à leur époque mais aussi des extraits d’œuvres de compositeurs.
C’est ce second choix qu’a fait le Sieur Perrin et, en nous fondant sur notre base de données Cythère nous pouvons dire que sur 25 mélodies que comporte ce drame, nous avons pu en identifier 13, car transcrites dans d’autres ouvrages de musique imprimée ou manuscrite, en retrouvant parfois non seulement l’auteur de la mélodie mais aussi la date à laquelle l’œuvre d’origine a été donnée devant un public pour la première fois.
Cela nous permet de remarquer qu’en ce qui concerne les timbres dont l’auteur s’est servi pour exprimer au mieux les sentiments qu’il souhaite aborder, le premier air utilisé dans le drame commençant par Hau ! Coulas, hau ! hé ben vouäs-ty m’entendré est aussi utilisé comme timbre dans le quatrième tome des Parodies du Nouveau Théâtre Italien daté de 1738 sous le titre Un cavalier d’une riche encolure. Mais c’est aussi un air utilisé par Michel Corrette dans un de ses concertos comiques Le plaisir des dames qu’il publie en 1735 ; on le retrouve également dans un recueil édité vers 1745 sous le genre musical : contredanse mais dans les années 1732 il est mentionné comme vaudeville.
Les deuxième et troisième airs qu’utilise le Sieur Perrin pour faire s’exprimer un berger Hay ! sieou encanta ! et Hau ! Tony, cargue ta camisole, vay querré Nicole… sont en fait deux musettes de Timon misantrope, une pièce dramatique écrite et jouée par l’acteur italien Luigi Riccoboni. Celui-ci était venu s’installer, à la demande des Français, au théâtre de l’hôtel de Bourgogne à Paris, en 1716, en tant que comédien ordinaire du Roi avec une troupe d’artistes de son pays.
Prenons deux autres airs : celui commençant par Amis, segués mé yëou, porte comme titre la route m’es facile d’après Michel Blavet en 1744 ; il serait extrait du ballet héroïque Les grâces de Jean-Joseph Mouret sous le titre Des cœurs nous bannissons (œuvre donnée pour la première fois en 1735). Quant à l’air O, quinte clarta, d’aqueste cousta ! dont s’est servi le Sieur Perrin pour montrer la joie d’un berger, ce serait une gigue de la tragédie Pyrame et Thisbé œuvre commune de François Rebel et François Francœur représentée pour la première fois en 1726. On la retrouve dans le troisième tome du Théâtre italien en 1738 sous le titre Que de nos transports naissent des accords qui surpassent Lully.
En 1741 (date de publication de notre ouvrage), nous sommes en pleine mode des « contredanses à quatre » (danseurs) dont certains airs ont traversé les âges et les chorégraphies sont alors devenues des « contredanses à huit » (danseurs) comme l’air utilisé pour Lévas vous, joüines bergieres l’air change maintes fois de titre et de genre musical en avançant dans les siècles : La neuvaine, Règne amour dans ce bocage, mais aussi La jeune indienne.
En 1765, M. De La Bruère emporte cet air dans un de ses cahiers manuscrits d’airs de contredanses au Québec, il ne lui donne alors aucun titre et ne décrit pas de chorégraphie. Cette mélodie semble être en vogue fort longtemps puisqu’on la retrouve dans un cahier manuscrit de chorégraphies de contredanses conservé en Camargue.
Un autre exemple d’air utilisé par le Sieur Perrin porte, pratiquement dans les mêmes années, plusieurs titres qui semblent avoir aucun rapport entre eux. Au moment où il sert de timbre à l’air Canten tous, tremoussens-nous dans ce drame, il est aussi connu sous les titres La balayeuse ou Quel plaisir d’être avec vous.
L’auteur se sert aussi d’un menuet de la tragédie lyrique Dardanus de Jean-Philippe Rameau représentée pour la première fois en 1739 pour faire parler une bohémienne Venen, mon bel enfan, vous fairé la révérence, air sur lequel elle esquisse un pas de menuet au son de tambourins. Un peu plus loin il reprend le thème de la musette des Talens lyriques dont le compositeur (Jean-Philippe Rameau) vient de présenter son œuvre deux ans plus tôt au public ; mais il change l’air des couplets et le titre en devient Renden hounour, A maquelle tant dinge mairé.
Pour faire parler la petite languedocienne, il emploie un timbre Tout roule dans le monde. Dans le Mercure de France de 1737 on apprend que celui-ci avait déjà servi de timbre pour une chanson au sujet du capucin Le père Barnaba.
Paradoxalement, le Sieur Perrin, alors qu’il fait s’exprimer les trois rois mages en français, va choisir un timbre d’une chanson que nous avons retrouvée dans des cahiers de chants manuscrits conservés à la bibliothèque d’Avignon et mentionnant le Languedoc. Nous pouvons dater un de ces cahiers des environs de 1748 ; l’air porte alors le titre : Un fringaïre que créi plaire mais l’air avait déjà été utilisé par Esprit Philippe Chédeville en 1737 sous le titre Cher Silvandre ce qui nous fait penser au titre d’une chanson qui aurait plutôt ses origines dans des régions de langue d’oïl que de langue d’oc…
Les clés dans lesquelles il a été choisi de transcrire ces airs sont des clés ut 1ere ligne et sol 2eme ligne. Concernant ces dernières, il était alors coutumier, pour la musique française interprétée dans les salons, de se servir de la clé de sol 1ere ligne. Parfois on y retrouve la clé de sol 2eme ligne mais c’est souvent dans des musiques ayant un rapport avec les Italiens.
Les quelques danses mentionnées sont la farandole …ils s’en vont dansants et chantants la férandoule qui suit… et contrairement à l’exemplaire conservé à la Bibliothèque Nationale, celui de Grasse mentionne des instruments :
Christophe Huet (1745-1811)
domaine de Chantilly
  • Cimbales :
    Dans l’encyclopédie de Diderot dans les années 1752 on peut lire cymbale : un fil d'acier de figure triangulaire, dans lequel sont passés cinq anneaux, qu'on touche et qu'on promène dans ce triangle avec une verge aussi de fer, dont on frappe de cadence les côtés du triangle … un instrument de musique dont les gueux accompagnent le son de la vielle
    Nous avons trouvé dans un dictionnaire provençal-français daté de 1764 que le mot cymbale se disait timbàlou.
  • Galoubets/ et/ Tambourins :
    Toujours dans cette encyclopédie on trouve l’expression flûte de tambourin ou à trois trous et Rousseau présente la danse nommée tambourin et ajoute …. Il doit être à l'imitation du flûtet des Provençaux, & la basse doit toujours refrapper la même note, à l'imitation du tambourin ou galoubé, dont celui qui joue du flûtet s'accompagne ordinairement.
Si nous prenons en compte ces termes utilisés vers 1750, il semblerait que la flûte à 3 trous que l’on nomme actuellement galoubet était alors appelée flûtet et le tambour lui-même serait alors appelé galoubé.
Rien qu’à la lecture de son titre, cet ouvrage nous paraît intéressant à plusieurs égards car il est au carrefour de domaines tout à fait différents.
Sur le plan musicologique, nous sommes en pleine mode des pastorales mettant en scène des bergers, mais comme l’a fait Marc-Antoine Charpentier en 1684 le sujet qu’il a choisi pour deux de ses œuvres pastorales est la Nativité de Jésus-Christ : Sur la naissance de N[otre] S[eigneur] J[ésus] C[hrist] : Pastorale et Pastorale sur la naissance de N[otre] S[eigneur] J[ésus] C[hrist].
D’autre part, c’est un excellent exemple pour illustrer les programmations musicales qui se tenaient régulièrement dans les salons des notables durant tout le XVIIIe siècle. Peu à peu la programmation de ces concerts sera en partie reprise mais surtout amplifiée par une entreprise de concerts publics parisiens officielle dénommée Le Concert Spirituel. À la date de parution de ce drame pastoral (1741) cette institution existait déjà depuis plus de 15 ans mais sa programmation devait être restreinte à de la musique religieuse comme des motets avant de s’ouvrir à d’autres œuvres profanes. En 1731 on y exécute une suite d’airs de Noël qui, ayant un très gros succès sera reprise l’année suivante. L’instrument de musique qui l’interprétait était une vielle à roue.
L’emploi de timbres musicaux pour y ajouter d’autres paroles est tout à fait dans l’air du temps.
Cette œuvre est aussi à la limite du profane et du religieux, limite parfois difficile à discerner, des airs profanes servant de support musical à des paroles religieuses.
D’autre part, ce drame pastoral nous rappelle que certains ordres religieux avaient, entre autres rôles, celui de propager la croyance de la Nativité et de l’enfance de Jésus-Christ. La congrégation des Oratoriens, comme celle des Jésuites, menait des missions plus ou moins longues mais surtout régulières dans tout le Royaume de France pour convertir le peuple. Ils devaient alors, pour se faire comprendre, employer la langue vernaculaire des régions où ils se trouvaient. Ce qui peut expliquer l’emploi des divers patois de langue d’oc de la part de l’auteur.
À noter que ces Oratoriens étaient fort nombreux dans tout le Comtat Venaissin dès les toutes premières années du XVIIe siècle mais aussi dans la région d’Aix-en-Provence comme à Notre-Dame-des-Anges de Mimet. Puis ils partent s’installer dans la capitale provençale elle-même.
En Provence orientale, la dévotion à l’Enfance de Jésus-Christ, en 1670, est à l’initiative de l’évêque de Grasse-Vence, Antoine Godeau. Les litanies du Saint Enfant Jésus qu’il fit alors paraître connurent un franc-succès et furent rééditées en 1735 .
Il nous reste de nos jours et d’une manière assez spécifique aux pays de langue d’oc la coutume des crèches sous la forme de « crèches vivantes » ou de « crèches stables ».
Françoise Bois Poteur - 10 octobre 2016

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