Un festin baroque
Recettes de cuisine, chansons bacchiques, galantes et grivoises
Spectacle filmé dans des lieux patrimoniaux de Grasse (Alpes Maritimes)
Un programme musical donné dans la cuisine du Musée d’Art et d’Histoire de Provence et présenté en direct au public grassois pour les Journées Européennes du Patrimoine. Journées organisées en partenariat avec le Service du Patrimoine, service labellisé Villes d’Art et d’Histoire
Cette année, nous avons choisi trois ouvrages musicaux conservés dans les institutions de la ville dont le contenu se complète bien. Un réel moment de divertissement baroque à passer ensemble. D’ailleurs, celui-ci aurait très bien pu se dérouler dans l’hôtel particulier Clapiers-Cabris devenu un musée.
Les plaisirs de nos ancêtres étaient les chansons à boire, l’amour, les danses et les bons repas. C’est tout cela que nous avons associé dans cette représentation.
La chanson que vous venez d’entendre était donc une « chanson galante », terme employé au XVIIIe siècle. Elle est tirée d’un recueil intitulé Nouveau recueil de chansons, publié en 1723.
L’éditeur nous a établi une table présentant tous les styles de chants alors en vogue : Des chansons tendres, galantes, bacchiques.
Des Chansons bacchiques : de nos jours nous dirions plutôt des chansons à boire. Le mot Bacchique vient de Bacchus, un dieu romain représentant la débauche, les plaisirs du vin. Il est très souvent représenté, entouré de sarments de vigne.
Des rondes de table. Jean-Jacques Rousseau écrit en 1768 la ronde de table est une sorte de chanson à boire, pour l’ordinaire mêlée de galanterie, composée de divers couplets qu’on chante à table chacun à son tour et sur lesquels tous les convives font chorus en reprenant le refrain
Dans cet ouvrage sont aussi notées Des chansons mêlées de tendre et de bacchique - des plans de morale galante et bacchique - des chansons contre l'amour et le vin - des chansons comiques et grotesques - des chansons critiques et satiriques - des dialogues - des branles et des rondes.
Nous allons mêler quelques unes de ces chansons dans un festin joyeux ou la cuisine mis en musique en vers libres ; recueil publié (parmi tant d’autres) en 1738. C’est le sieur Lebas, cuisinier de son état, qui nous fournit ces recettes.
Mêlant l’art culinaire à l’art musical, le sieur Lebas choisit de les mettre en musique sur des airs très connus pour l’époque. A ce jour, pour retrouver ces mélodies nous devons fouiller dans notre banque de données Cythère. Cythère, symbole des plaisirs amoureux. Nous sommes donc arrivés en grande partie, à posséder ces mélodies, mais certaines préparations seront encore plus succulentes si elles sont lues.
Penchons nous donc sur l’histoire de l’art culinaire au siècle des Lumières
A cette époque là, l’art culinaire, appelé aussi cuisine fait partie des Beaux-Arts. C’est un art difficile qui se perfectionne en se renouvelant complétement. Le nouveau cuisinier est un savant ; il doit faire preuve de savoir-faire, d’ingéniosité ; il est considéré comme l’auxiliaire du médecin.
La cuisine se compose de plusieurs parties : des produits ; leurs accommodements et des catégories de mets. Chaque partie comporte plusieurs préparations, appelées de nos jours recettes. Ces préparations sont écrites dans un langage clair et compréhensible pour nous si on connaît tous les termes employés malgré le fait que certains ne soient plus usités de nos jours. Le cuisinier doit savoir établir des menus et dans chaque menu sont représentées toutes les catégories de mets. La dernière tâche de ce cuisinier est : l’ordonnance du repas c'est-à-dire la disposition des plats sur la table. Cette disposition doit obéir à certaines règles ; avec la pièce maîtresse installée au milieu de la table.
Entre tous ces mets, nous avons exécuté quelques airs de contredanses pour digérer ces bons plats et pour illustrer le dernier ouvrage choisi cette année
Le répertoire des bals, ou théorie pratique des contredanses décrites d'une manière aisée ; avec des Figures démonstratives pour les pouvoir danser facilement, auxquelles on a ajouté les Airs notés
Cette fois-ci ce sont les rudiments de l’histoire de la danse qu’il faut connaître
La danse fait aussi partie des Beaux-Arts. Très présente dans les divertissements favoris à la Cour de Louis XIV, lui-même bon danseur. L’exécution de ces danses de cour était très codifiée jusqu’au jour où Jacques II, roi d’Angleterre, après la révolution qu’il subit en 1688 dans son pays, vient demander refuge au roi de France.
Jacques II s’installe donc, avec sa cour, à Saint Germain en Laye. Le divertissement préféré de cette cour, était, comme pour les français, celui de la danse.
Leur dernière danse à la mode n’était pas par couple mais communautaire avec tout un jeu de déplacements entre les couples. Les français demandèrent le nom de cette danse qui leur était inconnue : la country dance, ont répondu les anglais. C'est-à-dire une danse de notre pays. Charmé par ce nouveau divertissement chorégraphique, Louis XIV envoya son maître à danser le sieur Lorin en Grande Bretagne pour en savoir un peu plus. Celui-ci revint dans le royaume de France avec les déplacements des danseurs anglais mais y ajouta les pas de danses alors les plus connus en France : pas de gavotte, pas de rigaudon, pas de menuet…
La mode de la country-dance, devenue en français contredanse a vu le jour et s’est répandue non seulement dans les pays d’Europe mais dans le monde entier par le biais des colonies de tous ces pays. Une fois cette mode établie, les maîtres à danser français commencèrent à publier des recueils en de nombreux exemplaires comme celui qui est conservé à Grasse.
Nous avons donc fait découvrir, en cette journée européenne du Patrimoine 2021, un patrimoine immatériel (notre spécialité habituelle) mais aussi un patrimoine éphémère puisqu’il aura disparu à la fin de ce festin virtuel. A noter que pour la mise en ligne de ce voyage culinaire, nous avons choisi de privilégier les chants aux paroles souvent fort plaisantes en laissant de côté les instrumentaux qui ont ponctué ce jour-là notre prestation.
Pensons tout d'abord aux dépenses
Puis le décor
Les ingrédients que l'on peut trouver dans les environs
Et maintenant un potage de sole en gras sur l'air de suivons l'amour ou Menuet d'Amadis de Jean-Baptiste Lully
De quoi faire des plats de charcuterie, de gibiers et de viandes
Une recette de pieds de cochon : Pieds de cochon à la Saint Menou sur l'air de Or, écoutez petits et grands
Nous allons continuer par une chanson bacchique Amis, je ne veux plus boire, j'entends l'heure du berger
Et, suivant les quatre saisons de l'année, un plat de viande Rost à choisir sur l'air de Préparons nous pour la fête nouvelle
Un peu de galanterie à la façon baroque Amants qui près d'une maitresse...
Continuons ce festin par une terrine terrine de tendrons de veau et queues de moutons à la purée de pois verts ; sur l'air du cotillon de Thalie
Un laquais un peu trop zélé puisqu'il s'obstine à vouloir faire boire que de l'eau à son maître. Maudit laquais
Avant le 4eme service, quelques salades sur l'air de Vous brillez seule dans ces retraites
Nous continuerons par un air à danser : une sarabande Pour se former une agréable vie, il faut n'avoir ni dettes, ni chagrins...
Dégustons les desserts dans le jardin en buvant des vins aromatisés aux plantes médicinales.
Lieu historique : le musée d'Art et d'Histoire de Provence de Grasse.
Artistes : Damien Roquetty chant et cistre, Françoise Bois Poteur direction artistique et vielle baroque.
Prises de vues Jacques Penon.
Prises de son et montage C.E.D.P.I. en Pays de Grasse
Laurence Argueyrolles a régalé le public par sa tourte croquante ; recette toujours extraite de cet ouvrage culinaire baroque.
Françoise Bois Poteur
Juin - Novembre 2021
Pour en savoir plus sur Jean Lebas Jean Lebas (cuisinier) — Wikipédia (wikipedia.org)