Le maître de danse De La Cuisse
Parmi les nombreux recueils de contredanses que le maître à danser De La Cuisse a publiés dans les années 1760 retenons
Le 1er recueil intitulé
Le répertoire des bals ou théorie pratique des contredanses…
pour lequel il a obtenu un privilège en 1764.
L’auteur, dans sa préface nous apporte quelques précisions sur l’ambiance des bals à son époque ; en voici des extraits
…Cette multitude de Bals tant publics que particuliers que l’on voit se former à l’entrée de l’Hiver. Mais pourquoi ces sortes de sociétés où la jeunesse ne devrait trouver qu’un exercice utile et un délassement honnête sont-elles si souvent remplies de troubles et de désordre ? Cette confusion naît presque toujours de la difficulté que l’on a, ou à convenir d’une contredanse, où à l’exécuter lors que l’on en est convenu...
...Les contredanses sont à présent en si grand nombre, et les figures tellement variées qu’il est moralement impossible à ceux qui auraient la meilleure mémoire de se les rappeler sur le champ, souvent même, les symphonistes les ignorent ou ne s’en ressouviennent pas, souvent aussi des huit figurants [danseurs] qui se présentent pour former une contredanse, il n’y en a qu’un ou deux qui sachent la figure, souvent même sans savoir l’air, ou, l’air sans savoir la figure (car on voit tous les jours que ce sont ceux qui dansent le moins bien qui sont les plus empressés à danser). La symphonie joue, les danseurs débutent, mais aussitôt que le rond est fini, ils se regardent l’un l’autre et restent court….
...Les spectateurs voient avec regret que ces fausses répétitions leur font perdre un temps que l’on pourrait mieux employer, et l’entêtement dans les uns, l’impatience dans les autres, causent quelque fois des scènes fort désagréables qu’il est toujours très utile d’éviter et de prévenir...
...C’est ce que j’espère de ce petit ouvrage que je pense continuer et augmenter de beaucoup, si je m’aperçois qu’il soit favorablement reçu du public, et qu’il soit utile à la jeunesse...
...Comme j’écris pour tout le monde et principalement pour ceux qui ignorent la Théorie de l’art de la danse, ou qui n’en ont que des notions superficielles, je n’ai rien négligé pour me rendre le plus intelligible qu’il m’a été possible…
…Les airs notés que j’y ai ajoutés en entier pourront être aussi très utiles aux symphonistes [musiciens] et aux personnes de province à qui les contredanses de Paris ne parviennent la plupart du temps que lorsqu’elles sont totalement oubliées dans la capitale….
...Un moyen très simple de se fixer les figures des contredanses serait de tracer sur le parquet d’un appartement les mêmes lignes et adoptant un personnage, les parcourir comme si on dansait effectivement...
…Nous prions Messieurs les maîtres à danser ou les amateurs, de communiquer au Sieur De la Cuisse maître à danser [demeurant] rue Noyers vis-à-vis celle des Lavandières et prés celle de S. Jean de Beauvais, les airs et les figures de celles qu’ils composeront à l’avenir, on se fera un vrai plaisir d’indiquer le nom des auteurs s’ils le désirent, c’est un moyen pour eux de se faire connaître, et de publier leurs talents ; d’ailleurs elles seront gravées avec tout le soin possible…
… Les personnes tant de Paris que de province qui voudraient recevoir le présent ouvrage chez eux pourront s’adresser au Sr Cailleau, libraire rue St jacques ou à Mademoiselle Castagnery rue des Prouvaires, "à la musique royale". Il est inutile, je crois, d’observer qu’outre la jeunesse, cet ouvrage intéresse singulièrement Mrs les maîtres de danse et d’instruments qui suivent les bals, surtout ceux de province qui pourront par ce moyen faire danser dans les villes de leur résidence des contredanses qu’ils ignoreraient peut-être plusieurs années...
A la fin de sa préface, l’auteur ajoute Mémoire pour Mlle Mazarelli.
Cette demoiselle serait-elle Claire-Marie Mazarelli de La Vieuville (1731-1804) écrivaine et auteur dramatique qui a épousé en 1765 Charles-Louis-Auguste de la Vieuville, marquis de Saint Chamond, comte de Vienne et premier baron du Lyonnais, colonel et propriétaire d’un régiment d’infanterie ?
En feuilletant le recueil on s’aperçoit que pratiquement toutes les contredanses mentionnent un couplet de paroles, ce qui paraît inattendu pour des airs de danses.
Pour en comprendre la raison nous avons pu lire un autre recueil de contredanses que ce même auteur a publié, en 1762, sous le titre :
Étrennes dansantes ou recueil des airs et descriptions des meilleures figures et des plus jolies contredanses, avec des couplets sur chaque air ; 1ere suite…
dont voici la description :
En début de recueil, on peut prendre connaissance d’un almanach de 1762.
A la suite, se trouve une jolie représentation d’une scène champêtre où l’on peut voir une jeune personne dansant sur les airs interprétés par un joueur de flûte à 6 trous et un joueur de galoubet/tambourin
Avant les quelques contredanses, De La Cuisse explique dans sa préface :
Je me suis aussi persuadé que le Public après avoir reçu avec plaisir tant d'Almanachs chantants, verrait de même œil les "Étrennes Dansantes".
....Je m'étais proposé d'assembler en un seul volume toutes les contredanses....j'ai préféré les donner par Cayer contenant chacun huit contredanses... Les couplets de la façon de M N** que j'ai joints à chaque air, de contredanse rendront cette petite suite autant amusante qu'utile, elle pourra être encore agréable à plusieurs jeunes gens qui jouant du violon pour leur amusement, auront un Recueil d'airs tout fait et très commode.
Puis il annonce la préparation de ces recueils avec sa nouvelle présentation car il existe pour lui ... des contredanses à 9, 10, 12 et même 14 figurants, dont les figures sont très jolies mais très compliquées et fort difficiles.
Enfin il finit par un Avis/à Mrs les Maîtres de Danse dans lequel on peut lire :
Les contredanses qu'ils composent n'étant connues que d'un petit nombre de personnes, sont peu dansées, presque aussitôt oubliées, et qu'il est rare que la connaissance en parvienne dans les Provinces du Royaume. Cet ouvrage leur présente un moyen d'étendre leur réputation...
Les quelques contredanses avec chorégraphies qui se trouvent à la suite possèdent elles aussi des paroles. Nous sommes donc allés chercher des explications de la coutume des almanachs.
Véronique Sarrazin-Cani dans son ouvrage Formes et usages du calendrier dans les almanachs parisiens au XVIIIe siècle nous explique l’évolution de leur édition à cette époque. De nouveaux modèles d’almanachs apparaissent à Paris dans lesquels sont mêlés plusieurs sujets sans rapport entre eux. On lit aussi qu’en 1762 un almanach permettait, en plus d’un calendrier, de présenter aux lecteurs des chansons, des épigrammes, des fables… cette mode ayant été peu à peu établie dans les années 1730 ; et le calendrier arrive à en disparaître complétement.
Ces livrets, durant presque tout le XVIIIe siècle portent le nom Étrennes… Leur publication à la période des étrennes, permet de mieux les vendre. La disposition entre le calendrier et le sujet choisi change suivant les éditeurs.Ces almanachs chantants sont vendus dans diverses librairies dont celle de A.C. Cailleau, or nous lisons sur les Étrennes dansantes que cet ouvrage de De La Cuisse était édité à Paris, chez Cailleau, libraire rue St Jacques, prés des Mathurins. Il était tout à fait naturel que cet éditeur, en cette année de 1762, ait bien voulu publier l’ouvrage de De La Cuisse sous le titre Étrennes dansantes.
Pour trouver des airs extraits de ce recueil consultez notre Banque de données Incipits Musicaux