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Métissage musical entre la France et l’Afrique

dans les Antilles

Emission de 2018. Au programme du groupe Francesca Fé

C'est la rencontre de Françoise Bois Poteur avec un musicien sénégalais dans les années 1970 qui a incité celle-ci à étudier le métissage musical dans le nouveau Monde entre les pays de l'Afrique Occidentale et la France ; métissage qui a commencé dans les toutes dernières années du XVIIIe siècle. Suite à la révolte des esclaves africains de St Domingue, les colons français sont partis s'installer en Louisiane mais aussi dans l'Oriente, région de Santiago de Cuba ; ville dont il reste une trace française encore bien visible malgré les apports espagnols. La chercheuse a créé le groupe Francesca Fé qui est allé donner plusieurs concerts sur le sol cubain.

Nous vous proposons de visiter la page du groupe Francesca Fé pour compléter cette présentation :

Au programme

Paure Carnaval suivi de l’Anonime une suite musicale :
Ce premier air est notoirement attribué au compositeur italien Giovanni Battista Pergolesi de la première moitié du XVIIIe siècle. Mélodie, arrivée jusqu’à nos jours grâce au répertoire populaire avec ce titre en langue provençale lorsqu’il est devenu air de Carnaval. Certains reconnaîtront le générique de l’émission enfantine « Bonne nuit les petits » L’Anonime fait partie de l’impressionnant corpus de mélodies de contredanses françaises éditées durant tout le XVIIIe siècle.

La Fürstemberg : Thème musical et ses variations dont certaines ont été élaborées au XVIIIe siècle par des compositeurs et d’autres ont été pensées par Françoise Bois Poteur. Ce thème musical était fort connu semble-t-il dans toute l’Europe. Il devient, en plein XVIIIe siècle, un support musical pour une contredanse française.  Il porte le nom de deux célèbres frères, princes - évêques  d’Alsace qui ont soutenu Louis XIV dans sa lutte contre le Saint Empire dans les années 1670.

Suite de Menuets Ce style de danse est resté sur le devant de la scène en Europe pendant près d’un siècle et demi. Il a  fait partie des « belles-danses ». Très codifié sur le plan social, sa longévité lui a apporté des transformations considérables. Ce fut le cas aux Antilles où il est resté à Cuba sous le nom de Tumbas francesas  et avec un rythme bien particulier.

La servante au bon tabac : Le compositeur Michel Corrette a suivi la tradition en utilisant des airs populaires que l’on pouvait entendre sur le Pont-Neuf ou sur les boulevards parisiens, pour en faire des œuvres musicales. C’est le cas pour son concerto comique qu’il intitule La Servante au bon tabac  joué à l’Opéra Comique pour la première fois en 1733. Il réunit et développe deux thèmes alors utilisés pour la contredanse française : « servante quittez vos paniers » et cette chanson – gardée jusqu’à nos jours dans le répertoire de chansons enfantines qui traitait alors un thème à la mode : le tabac à priser qui arrivait des Antilles jusqu'en Europe.

Un pot-pourri d'airs ternaires et binaires : Ne m'entendez vous pas ? Ces mélodies, ayant connu une notoriété internationale encore très forte à l’époque de l’arrivée des français à Santiago de Cuba. Son choix a paru tout à fait normal à l’instigatrice de ce métissage. La juxtaposition de divers airs en suite nommée « pot-pourri » s’est toujours pratiquée notamment dans les contredanses, lorsque celles ci sont dansées, et les chansons enfantines. Ce pot pourri instrumental a souhaité associer des rythmes ternaires à des rythmes binaires, phénomène courant depuis fort longtemps autant en Europe qu’en Afrique.

Suite de mazurkas : La Paoûte, suivie de Hernancia  (Martinique) : François Bois Poteur s’est inspirée des mazurkas issues du répertoire traditionnel français pour inventer ce petit air et comme ce genre musical s’est aussi installé dans les pays antillais, elle a souhaité les enchaîner dans un « fondu musical » improvisant, comme il était coutumier à la Martinique, sur la partie valsée de la mazurka.

Polka à Soizin : la polka fait partie des danses, ayant leur origine dans les salons au XIXe siècle, qui se sont répandues dans les milieux musicaux populaires. Pour les bals hebdomadaires, il était coutumier que chaque musicien invente ses propres mélodies pour enrichir le répertoire traditionnel. C’est cette coutume que Françoise Bois Poteur a suivi ici. Les polkas ont été interprétées à Cuba et restent encore vivantes dans le répertoire traditionnel mais souvent sous le terme de danzones.

Greensleeves : Le type même de mélodies qui illustre cet très important échange musical qui a eu lieu entre la France et l’Angleterre malgré, ou aussi grâce, à l’état permanent de guerre entre ces deux pays durant les XVIIe & XVIIIe siècles. Connu aussi sous le titre Les manches vertes  comme contredanse française. Il a pu doublement partir dans le Nouveau Monde une fois sous le drapeau anglais plutôt au XVIIe s. comme country-dance mais aussi comme contredanse française à l’époque des échanges franco cubains. Cette forme de patrimoine franco anglais s’est beaucoup conservé en Irlande, répertoire qui est plus connu actuellement grâce au mouvement de revivalisme des années 1970. Comment résister à l’envie de remettre une fois de plus au goût du jour cet air aussi entraînant ?

Que vous dirais-je, maman ! Un des airs populaires français que Mozart a découvert dans les salons parisiens lors de son séjour en 1778. Il en a écrit des variations pour piano qui ont traversé les continents. Ici, ce sont les variations de Michel Corrette qui ont servi de base pour la version de Françoise Bois Poteur avec des rythmes devenus traditionnels cubains comme le tango et le cinquillo.